
Ces rivages perdus
Camille Guichard
C’est dans la tempête que son chant est le plus harmonieux,
Hantant les cœurs et brisant les derniers espoirs.
Mourir devient une conviction, dans un embrasement soudain.
C’est la désolation, non la souffrance qui fait pleurer,
Les morsures ravagent chair et muscles, incisent au plus profond,
les nerfs en tresse, les veines en fractal d’indécisions.
Les oiseaux refusent de lire la cacophonie,
Si belle qu’elle donne envie d’être embrassée,
Si élevéae que l’espoir traverse leurs destinées.
La vague est son secret
La mort, la seule, qui va et arrache
Et retourne -gorgée de sel-
Les bourrasques ne sont pas venues des potagers, mais de plus loin,
Elles ne se sont pas arrêtées pour jouer avec les survivants, mais pour semer le doute, à perte de vue.
Elle prend plaisir à multiples ressacs,
C’est bref, mais ça roule et déroule, et fait mal
A quoi bon lutter - le combat n’aura pas lieu –
La mer n’a pas choisi la faucheuse,
Elle se veut renaissance, demande l’arrêt des inconsciences, la fin des sévices,
sachant l’homme incapable de rédemption.
La vérité est nue et austère,
Elle apaise et défigure, à l’instinct, se pare d’une insolence guerrière.
Résister ne sert à rien.
Foudroyante et ponctuelle, elle arrive et repart comme une hirondelle
après le passage de l’été, les ailes lourdes, les yeux dévorés par le sel,
Dans son tombeau, elle interdit tout balbutiement.
Les hommes ont la mémoire des criminels,
Pris en flagrant délit, le jugement les déconcerte,
aveugles à l’ampleur du drame.
La mer s’est changée en une autre mer et une autre encore,
Elle prend goût à l’incrédulité des hommes, à l’odeur du désastre. L’exige.
Les vagues ne connaissent ni le sommeil des justes, ni le repos des combattants,
La lune seule importe pour gonfler leurs torses et
souffler leur mépris -elles n’acceptent pas leur transformation-
Le mieux est de se réfugier aux confins de sa souffrance,
vaste comme la mer, qui en son sein, malmène ses créatures,
désorientées.
Elle ne peut rester sans réponse, aujourd’hui elle montre d’autres natures,
toutes d’une beauté perfide, éclairant le peu de temps à vivre au rythme
de la musique des Sphères.
Il est un sentiment de finitude devant l’étendue du désastre,
La Mort s’exhibe avec insolence, elle précise la condition des humains,
permet de rendre audible l’Éternité.
Fini les lumières écarlates des tableaux impressionnistes,
La fin est à portée de main, pourtant les hommes croient encore à leur verticalité.
Les hommes dans leur frivolité ont attisé sa vengeance,
troublé sa quiétude – sa Gloire –
Elle ne demandait rien, rien d’autre qu’être elle-même.
La clémence garde en mémoire les affronts et les humiliations,
L’acharnement des hommes à vouloir la défigurer,
A la rendre Enfer.
Son avancée n’est qu’apparence comme si elle doutait
de sa crédibilité,
Atteindre son but serait reconnaître la fin de la parure de l’arc-en-ciel.
Les saisons s’amusent à dérouter les Héroïques,
Secouent les étourdis, alors qu’ils ont du mal à crier l’apesanteur,
Si proches de Dieu.
Entre l’éternité et le présent, le futur a le goût amer de s’être fait voler sa voix,
laissant un vide dans son esprit comme si l’univers était Amnésie.
Les diamants tombent et -chuchotement du sable-,
Elle entonne le refrain, creuse sa mélancolie,
Et se tourne vers le ciel, si Haut, qu’elle ne peut l’atteindre.
Il faudrait un dieu pour rallumer les bougies,
Un seul,
Mais il a quitté son royaume,
Détrôné par tant d’atermoiements et d’irresponsabilités.
Il est temps de reconnaître, d’admettre,
Mettre genoux à terre,
La paix est pure fiction, inventée par l’Homme pour supporter son existence.
La douleur dilate le temps,
Et bientôt elle n’est plus représentable
C’est la beauté de l’exigence.
Son avenir est sa pugnacité à redéfinir le sentiment des hommes,
S’échapper et se confronter à son éternelle étreinte,
Tel est leur destin, pour rencontrer la mesure du Divin.
Les hommes attendent la suite
Qui n’est que renouvellement – fureur et arrachement-
Sur leurs peaux, l’espoir de cieux plus cléments, d’une délivrance certaine.
Étrange sensation d’être dépossédé d’un bien qui ne vous appartient pas,
Dans l’apparente générosité du monde, le silence des cimetières reprend ses droits,
Le malheur, il ne faut pas le crier, surtout pas aux enfants.











